Un dialogue compétitif pour Montparnasse

La Ville de Paris avec l’EITMM (Ensemble Immobilier Tour Montparnasse) a lancé sa consultation (6 juin) pour le réaménagement du quartier Montparnasse, environ 9 ha et vise des objectifs ambitieux.

Nous n’avons pas vocation à relayer les annonces de consultation, mais nous nous permettons de le faire ici pour interroger la démarche, cette curieuse façon de mettre des professionnels en concurrence via un « dialogue compétitif ».

Ici 4 équipes vont être sélectionnées et rémunérées à hauteur de 100 000 € chacune. Une somme me direz-vous, mais connaissant les exigences des opérateurs publics, cette somme ne couvrira pas les frais à engager par chacune des équipes. Il leur est demandé, dès l’appel d’offres de présenter des références concernant l’objet de la consultation (projets architecturaux, urbains, paysage, développement durable et programmation) mais au-delà des compétences techniques, juridiques et financières et « leur aptitude à innover »…

Autrement dit, chaque équipe sera forcément pluridisciplinaire, devra montrer patte blanche et accepter de travailler dans un cadre économique plus que tendu.

La procédure de dialogue compétitif a remplacé la procédure d’appel d’offres sur performances (Art. 36 du Code des Marchés Publics 2001 [code abrogé])

« Le dialogue compétitif est une solution adaptée à la conclusion des marchés complexes pour lesquels le pouvoir adjudicateur ne peut définir seul et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou encore pour lesquels il n’est pas en mesure d’établir le montage juridique ou financier. Il n’est pas un élément d’accélération des procédures mais d’amélioration de la définition des besoins. »

En fait, si l’on lit entre les lignes, c’est bien une procédure qui couvre la défaillance du pouvoir adjudicataire. Il s’agit, en fait d’aboutir à une programmation ficelée (programmes bâtis/espaces publics/stratégie urbaine/cadre financier des opérations). Les équipes devront redoubler d’efficience pour remporter le marché qui en résultera.

Cette démarche nous apparaît faire partie de l’arsenal des marchés publics pour exploiter la force de travail des agences. Un dialogue compétitif comme celui-ci va requérir 3 ou 4 phases, avec un rendu à chaque phase. Il convient d’imaginer que chaque phase rendue est équivalente à un concours, avec son lot de délais intenables, la production de pièces graphiques et écrites. Le dialogue se résume à une présentation de documents par phase, une correction ou commentaires du maître d’ouvrage. Les matières grises mises à l’étude ne sont jamais dans la possibilité d’échanger sur leurs projets, ce qui aurait pour conséquences d’enrichir le débat, de rendre la réflexion collégiale, d’atteindre le meilleur projet. Mais quelle naïveté. Comment serions-nous capables de collaborer ouvertement, alors qu’un marché unique sera donné au final ? Nous jouerons le jeu, quitte à mettre en danger nos structures, ou du moins à les fragiliser.