Simplification du code de la construction
La décision date du 13 avril 2018. La filière du bâtiment a réuni ses principaux acteurs pour mettre en place cette fameuse simplification, le maître mot de l’administration depuis la décision par Sarkozy de la simplification administrative. Au fait, pourquoi simplifier et d’abord, simplifier quoi ?
Déjà, la paperasserie. Une page sur cinq va passer à la trappe dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH) qui fait 150 pages, ce qui représente quand même 30 de moins. Il s’agit, selon le secrétaire d’Etat Denormandie, de «réécrire le code selon une économie d’innovation et pas une économie de rattrapage», une façon pour le politique de lâcher la bride aux professionnels. Tout en maintenant l’exigence de qualité. Enfin, en théorie.
Le gouvernement économiquement libéral d’Edouard Philippe donne donc du mou à l’activité en desserrant l’étau des textes pour «accélérer la construction sans transiger sur la qualité des bâtiments». On sait depuis Borloo que la France ne construit pas assez : le parc vieillit, la démographie française galope, il y a tension. Malgré 150 000 nouveaux logements par an, actuellement la norme.
L’amélioration promise n’est pas pour aujourd’hui puisque des groupes de travail vont plancher sur la réécriture du CCH et vont rendre leur copie au gouvernement. Une fois que la loi sera votée, deux ordonnances suivront dans un délai d’un an.
Une loi existe pourtant déjà, celle du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP), mais elle n’était pas vraiment applicable.
Cela fait déjà un an – depuis mai 2017 – que les architectes ont cru au bénéfice du décret relatif au «permis de faire». Ils ont été déçus, le champ d’application n’étant pas très ambitieux, notamment sur le développement durable. Le Conseil supérieur de la construction (et de l’efficacité énergétique mais c’est un peu long), composé entre autres de professionnels de la construction (principalement des syndicats d’architectes et de constructeurs), des parlementaires et des collectivités territoriales, n’a pas obtenu ce qu’il voulait de l’équipe gouvernementale précédente. De plus, son avis est consultatif et pas décisionnaire : le politique en fin de compte seul a le pouvoir de décider d’un changement.
Justement, que veut le ministre de la Cohésion des territoires, qui a remplacé le ministre du Logement, jamais vraiment en grâce dans les gouvernements successifs ?
La présentation de la loi par le ministre Mézard (moins de 2 minutes) :
Son action, ou sa promesse d’action, se résume dans la loi ELAN. Macron et Philippe veulent construire plus, mieux et moins cher. Une triple ambition. Et pour cela, ils sont prêts à desserrer, comme on l’a écrit plus haut, l’étau sur les normes qui entraveraient (on souligne le conditionnel) le bâtiment en France. D’où le besoin de simplification de l’acte de construire, sans oublier la réduction des délais de contentieux d’urbanisme (dans certaines villes, « 80% des permis de construire font l’objet d’un recours », selon un agent immobilier cité dans le dossier de presse gouvernemental).
http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/l17189-1_strategie_logement_dp.pdf
Pour l’instant, Jacques Mézard (le ministre) et Julien Denormandie (le secrétaire d’Etat, celui qui lorgne sur le poste de ministre) sont dans une phase «d’écoute et de concertation». Nous voilà donc, côté professionnels, dans une phase d’écoute et d’attente… C’est la méthode «Edouard». Qui entend mais qui n’écoute pas toujours.
Mézard et Philippe communiquent (33 minutes) :
Nous avons consulté le dossier de presse de la loi ELAN (présentée au conseil des ministres le 4 avril 2018), voici ce qu’il en ressort…
Concrètement, Mézard et son administration veulent
- accélérer la libération du foncier grâce à un abattement fiscal sur les plus-values lors de la vente de terrains en zones tendues (très demandées, quoi),
- simplifier les réglementations existantes (on l’a vu),
- limiter les recours abusifs et renforcer les sanctions dans ce domaine.
Concrètement, le gouvernement promet qu’il n’y aura pas la moindre nouvelle norme technique pendant le quinquennat. Petit coup de pied de l’âne à l’équipe précédente qui en avait pondu 60 !
«L’État ne doit plus dire aux professionnels tout ce qu’ils doivent faire, mais fixer des objectifs à atteindre et faire confiance à ceux qui construisent. Simplifier les normes et procédures existantes pour faire baisser les coûts de la construction, par exemple les normes sismiques lorsque qu’elles sont trop sévères dans des zones à faible risque.»
Sus aux prescriptions ! Seul l’objectif compte, et il peut être atteint de plusieurs manières. Cependant, la fin ne justifie pas tous les moyens : il ne s’agit pas de construire en toc et à toute vitesse.
«Toutes les règles de construction seront rédigées sous forme d’objectifs de résultats. Cela allégera le Code de la construction et permettra de stimuler l’innovation. Le niveau de résultat ne sera pas imposé.»
Voilà donc le travail du CSC (conseil supérieur de la construction) : dans les 150 pages, il se destine à… contourner les normes. On est bien en France où, pour exercer une activité, il faut contourner – en toute légalité, bien sûr – les lois qui restreignent cette même activité ! Et là, ce sont les responsables gouvernementaux qui le disent, et qui se battent contre les prétendus bloqueurs de cette même activité. Le serpent se démordrait-il la queue ?
Résumé pour lecteurs pressés
Il faudra attendre un an après la fin de la concertation entre le gouvernement et les constructeurs (en cours) pour savoir quel sera le nouveau code de la construction, un code allégé qui devrait, selon les décideurs, permettre de désenclaver l’activité. Moins de normes, moins de contraintes, c’est le mot d’ordre qui vient d’en haut.
La loi ELAN devrait être votée en juin, la réécriture du CCH devrait prendre 12 mois, même si le Conseil Supérieur de la Construction et de l’Efficacité Énergétique demande à ce qu’on prenne son temps, carrément le double.
Trois mois plus tard, après la promulgation de la loi (si les députés et les sénateurs ne l’amendent pas trop, mais on ne voit pas pourquoi, le sujet étant rassembleur), la première ordonnance créera un «permis de faire»… vraiment, celui que les Français en attente de logement attendent depuis longtemps.
Conclusion : si tout va bien, le nouveau CCH allégé entrera en application d’ici un an à un an et demi. Si tout va bien…
Illustration : Freepik